lundi 4 juillet 2022

Sandro Botticelli et le thermomètre

Des activistes climatiques s'en sont pris, le week-end dernier, à un tableau majeur de la peinture italienne, Le printemps de Sandro Botticelli,  allégorie de l'identité européenne, car renvoyant tant aux mythes gréco-romains qu'à la religion chrétienne. Avant eux, d'autres engagés enragés, anglais ceux-là, avaient multiplié les attaques ciblées contre ces morceaux d'humanité que sont les oeuvres d'art, en prenant pour cible La Charrette de foin de John Constable ou encore une copie de La Cène. Dernièrement, en France, un militant s'attaqua, en... l'entartant, à la Joconde, d'ordinaire habituée au défilé incessant de touristes en short venus la photographier.

Ces défenseurs de la cause climatique rejouent, souvent sans en être conscients, le clivage ancestral et profondément lié à cet Occident que la plupart d'entre eux honnit entre culture et nature. En délicatesse avec la première, que leurs maîtres d'école ne leur ont pas transmis en raison d'un nivellement par le bas de l'enseignement et qu'ils n'ont pas fait l'effort de s'approprier, ils ont choisi la seconde : après tout, pour citer Goethe, "les hommes déprécient ce qu'ils ne peuvent comprendre". Désormais, non contents de le déprécier, ils l'effacent au nom de la cancel culture (qui, plus encore qu'une culture de l'effacement est un effacement de la culture). Et apposent le mot nature à leur cause qui témoigne davantage de leur dégénérescence que d'un amour pour les charmes bucoliques, les paysages intemporels et les paradis terrestres inexplorés.

vendredi 1 juillet 2022

La vie comme émerveillement

                                    Achevé d’être rédigé à Agrigente, non loin de la Vallée des Temples,
là où par la beauté même il n’existe plus aucun doute que la vie,
si courte et insensée soit-elle, mérite d’être vécue


L’époque est triste, triste par son manichéisme et son moralisme, triste en raison de la disparition des libertés et encore plus par son incapacité à donner à celles-ci un sens qui vaille, triste à force de voir la beauté s’exiler au profit de la laideur qu’exprime l’architecture moderne ou un rond-point surmonté d’une tentative d’œuvre d’art, triste de voir la nature asservie aux lubies de quelques fanatiques, triste à cause de l’exhibition sans honte de la bêtise et de la décadence, triste d’avoir désappris à vivre avec l’idée de la mort, triste comme nos passions dans une société dénuée de sacré, triste de ne plus faire de l’émerveillement permanent une des sources de la vie.

Comment s’étonner, dès lors, que la consommation d’antidépresseurs atteigne, dans nos pays, des records ? Comment ne pas s’inquiéter de n’avoir d’autres horizons que le fil d’actualité de nos réseaux sociaux et le défilement ininterrompu de « stories » identiques ? Comment interpréter le manque de goût pour cette noblesse dont se parent les belles choses et que drapent les beaux mots ?