samedi 21 septembre 2024

Heureux qui comme Du Bellay repose à Notre-Dame

La nouvelle n’aura été l’objet que de quelques malheureuses lignes sur les sites d’information, plus affairés à esquisser la composition du nouveau gouvernement ou à trouver de nouveaux péchés à ajouter à la liste de l’Abbé Pierre. Après tout, l’époque n’est plus à la célébration du passé, encore moins lorsque celui-ci fut brillant, ni à la culture générale, dont l’acquisition nécessite curiosité et effort. « Joachim qui ? », entendrait-on presque marmonner Sébastien Delogu. Et pourtant, la découverte probable de la tombe de Joachim Du Bellay est un plaisir de fin cultivé. 

Le poète reposait donc depuis presque un demi-millénaire, dans un cercueil fait de plomb, sous la croisée du transept de Notre-Dame, cathédrale qui ne cessera jamais de révéler ses secrets. Pendant quatre siècles, nombre d’hommes d’églises et quelques illustres inconnus y furent enterrés. Avouons qu’il y a repos éternel plus désagréable : malheureux, Richard III, dont le squelette fut retrouvé dans le sous-sol d’un parking de Leicester, dans le centre de la pluvieuse Angleterre ; malheureux aussi les hommes et femmes célèbres enterrés dans des cimetières devenus des lieux touristiques ; malheureux, enfin, la plupart d’entre nous, dont les cendres seront répandues sur les pelouses de crématoriums.

dimanche 28 juillet 2024

De l’ « ob-Seine » au sublime, une cérémonie d’ouverture passant du gênant au géant

On espérait de la cérémonie d’ouverture des tant attendus JO de Paris qu’elle combinât la culture française et les vertus de l’olympisme, ce qui aurait pu se décliner en tableaux vantant la discipline, l'esthétisme, la grandeur, l’effort, l'Histoire et ses héros, la Beauté, le combat loyal, un pays et ses terroirs, les champions et leurs malheureux dauphins. Avec un peu de recul, on peut écrire que la grande-messe fut davantage une énième célébration du « en même temps » et la preuve par les polémiques que celui-ci ne peut forger une société apaisée. 

Durant les deux premières heures au moins, tout fut plat et sans relief, vulgaire, en un mot « ob-Seine » : vous me pardonnerez bien cette fantaisie orthographique, mais après tout la langue française a désormais Aya Nakamura pour ambassadrice, rendue Immortelle par Thomas Jolly qui a eu l’idée de la planter dans le décor de l’Académie française. Ce ne fut finalement là qu’ un détail dans l’étalage de mauvais goût. Qu’il existe des forces œuvrant à la décadence dans une société est inévitable, qu’elles soient à ce point mises en exergue et prises en exemple témoignent de l’état moral de celle-ci.

lundi 15 avril 2024

"Oui, mais les impressionnistes..."

Méprisés, vilipendés, humiliés de leur vivant, les impressionnistes ont connu une gloire posthume en inscrivant leurs oeuvres dans le patrimoine artistique français. Tandis qu'une exposition immersive ambitionne, au musée d'Orsay, de reproduire, peu ou prou, l'ambiance de leur première manifestation commune il y a exactement 150 ans, nous ne pouvons passer sous silence que leur génie sert aujourd'hui de caution à tout artiste faisant passer ses vagues inspirations pour de l'art. Tout le monde n'a pourtant pas pour vocation à inscrire son coup de pinceau dans le cheminement des siècles.

Replongeons-nous dans la France de 1874, sa Troisième République encore balbutiante, ses guinguettes où la bonne société venait s'encanailler et ses couleurs chatoyantes. Depuis une dizaine d'années déjà, les "refusés" exposaient leurs tableaux en marge du très officiel Salon qui ouvrait bien des portes à ceux qui eurent l'honneur d'apparaître au catalogue. L'art était en pleine évolution et foisonnait de courants divers : à Barbizon, Corot, Millet et Daubigny peignaient déjà les champs, les forêts et les clochers depuis quelques décennies ; aux Batignolles, quelques artistes, immortalisés par Fantin-Latour, firent évoluer leur art à défaut de vouloir le révolutionner. Ceux-ci exposeront finalement leurs oeuvres boulevard des Capucines, dans l'atelier de Nadar, dont l'art - la photographie - finira aussi par exploser.

samedi 6 avril 2024

ABBA remportait l'Eurovision le 6 avril 74 : une idée de la musicalité de la vie

Bien sûr, il y a l'éternel débat, jamais tranché, afin de déterminer qui, des Beatles ou des Rolling Stones, est le plus grand groupe de tous les temps. Evidemment, il y a eu Queen, sa rhapsodie bohémienne et le destin tragique de Freddie Mercury. Mais aussi Nirvana, dont le chanteur s'est éteint il y a juste trente ans, The WhoAC/DC, Pink Floyd. Et puis ABBA, qui remporta l'Eurovision avec son titre Waterloo, le 6 avril 1974, à Brighton, dans le sud du Royaume-Uni. Il y a cinquante ans. Un demi-siècle, une éternité. 

Les pays représentés lors de la grand-messe annuelle de la chanson figeaient alors les cartes mentales de l'Europe. La Yougoslavie encore unie et toujours sous la férule de Tito, Israël et Monaco étaient conviés au concours. L'Union soviétique n'avait pas encore été démantelée. Les votes, déjà égrenés au compte-gouttes, étaient, moins qu'aujourd'hui, dictés par des raisons géopolitiques, de minorités établies dans les pays voisins ou d'excentricités à la mode. 

samedi 30 mars 2024

Jeux Olympiques : séparons sport et politique

Rien n'est sans doute plus politique que le sport, fors la politique elle-même. Pourtant, rien ne devrait plus échapper à celle-ci que les joutes sportives. Tandis que nous espérons voir briller les Jeux Olympiques par les performances des athlètes, certains entendent déjà s'accaparer la grand-messe quadriennale pour faire avancer leur propre agenda.  

L'histoire regorge de ces épisodes où sport et politique n'ont, pour le meilleur et pour le pire, fait qu'un. Les Jeux, ce moment hors du temps durant lequel la compétition est portée à son acmé, n'ont jamais échappé à la règle : on se souvient du triomphe remarquable de Jesse Owens, en 1936 à Berlin, devant Adolf Hitler, des JO de 1980 à Moscou tenus en l'absence d'athlètes américains et issus de pays... musulmans suite à l'invasion de l'Afghanistan par l'armée soviétique et, une olympiade plus tard, de ceux de Los Angeles boycottés par les Russes qui organisèrent en réaction des Jeux de l'Amitié, du poing levé de Tommie Smith et John Carlos à Mexico ou encore de l'attentat perpétré contre la délégation israélienne lors des Jeux de Munich par l'organisation terroriste Septembre noir.

dimanche 21 janvier 2024

Et si c'était le talent que la gauche reprochait à Sylvain Tesson ?

Six cents personnalités du monde de la culture,  pour la plupart inconnues, y compris pour les gens ayant un attrait pour les arts et la littérature, viennent de signer une tribune dans Libération - forcément - afin de s'opposer au parrainage du Printemps des poètes par Sylvain Tesson. Le tort de l'un des écrivains les plus talentueux de sa génération ? Banaliser l'extrême droite ! 

L'auteur serait donc un réactionnaire, catalogué dans un pamphlet récent aux côtés de deux autres infréquentables, Michel Houellebecq et Yann Moix. Il eut le tort de préfacer une réédition du Camp des Saints, ouvrage visionnaire du regretté Jean Raspail qui, en 1973, prophétisait le débarquement, sur les plages françaises, d'un million de miséreux. Il a beaucoup lu, des auteurs de droite et de gauche ; mais surtout, pour ses contempteurs, il cite Maurice Barrès. Il s'est même un jour rendu à La nouvelle librairie et a discouru sur Radio Courtoisie. N'en jetez plus, la coupe est pleine, débordant de que la gauche intolérante ne voudrait voir.

samedi 13 janvier 2024

Les raisins de la colère, et les vendanges à venir

Je fus initié à la littérature américaine en me plongeant dans les parchemins brumeux de la beat generation, puis dans ceux, plus sinueux encore, des auteurs que l’on qualifiera pudiquement de torturés. Question de tempérament probablement, ni Kerouac accompagné de sa horde, ni Salinger et ses épigones n’avaient réussi à me captiver. Il a fallu que j’emprunte d'autres chemins, qui ont la vie pour espérance et la mort pour risque, pour que je finisse par aimer les écrits parus par-delà l’Atlantique. L’Amérique est une affaire de conquêtes, vers l’ouest le plus souvent. Les raisins de la colère prouve que sa littérature obéit à la même règle.

Avec un style inspiré pour nommer ses romans – y a-t-il plus beau titre que celui-ci ? -, précis autant que poétique pour sublimer les paysages désolés et profondément réaliste pour camper les dialogues, John Steinbeck est, au sens noble du terme, un écrivain populiste. De gauche sans doute, bien qu'on doute qu'il se serait reconnu dans la « cancel culture » qui sert aujourd’hui de programme commun aux progressistes, dont la poussière n’est plus celle de l’effort, mais de la destruction des statues.