La
littérature a pendant des siècles su incarner et sublimer son époque. Elle est
aujourd’hui en capilotade, à la recherche de talents, d’un public, de querelles
intestines, de salons, de mouvements. En un mot, d’identité. Dans le
déferlement en pente déclinante des siècles, nous sommes passés de Chateaubriand
à Amélie Nothomb, d’Eugénie Grandet, héroïne d’Honoré de Balzac, à Lauren
Kline, personnage de Marc Lévy, du salon de Germaine de Staël au plateau télévisé
de Laurent Ruquier, des funérailles nationales offertes à Victor Hugo à
l’enterrement dans l’anonymat des derniers grands écrivains et, avec eux, du
noble art littéraire.
Guillaume Musso versus Marc Lévy : l’opposition
stérile et montée de toutes pièces entre deux écrivains populaires qu’en
réalité rien n’oppose est la version moderne des clivages qui ont autrefois
secoué la littérature. La querelle des Anciens et des Modernes divisa, autour
de Boileau (auteur des Satires) et de
Perrault (Contes de ma mère l’Oye),
les tenants du retour systématique à l’Antiquité comme période indépassable aux
partisans de la nouveauté et des thématiques contemporaines. A la même époque,
l’Affaire des Sonnets opposa, par textes interposés, les thuriféraires et les
contempteurs de Racine. Plus récemment, l’opposition entre Tolstoï et
Dostoïevski fit écrire au génial Georges Steiner : « En demandant à
un homme - ou à une femme - s'il préfère Tolstoï ou Dostoïevski, on peut
connaître le secret de son cœur ». Les cœurs ne sont désormais enclins à se
laisser irriguer par le sang des révoltes, mais par une eau de rose forcément
tiède.