samedi 2 mars 2019

Renouer avec une écologie de droite

L’écologie et les partis qui s’en revendiquent officiellement ont le vent en poupe : tandis que les marches se multiplient, portant en tête de cortège une jeunesse délaissant les bancs de l’école, et que les formations vertes pourraient devenir la famille politique la plus importante du pays -bonjour les taxes et l’écologie punitive-, il est temps pour les partis de droite de renouer avec l’écologie qui est au cœur même de leur identité. 

L’imaginaire collectif est tapissé de villages et de clochers dont l’alignement est entrecoupé de champs et de plaines. Dans cet univers mental, le rapport à la nature est charnel plus qu’idéologique, contemplatif et non utilitaire, mélancolique bien davantage que prospectif, autant d’éléments indiquant que l’écologie est intrinsèquement de droite. Or, de façon antithétique et sans résistance des formations traditionnalistes – à ne pas confondre avec les formations traditionnelles qui se revendiquent toutes du progressisme –, la gauche s’est accaparée un monopole dans la protection de l’environnement, avec pour dramatique conséquence de voir la pensée écologiste embourbée dans des délires économico-sociétaux.

La plupart des penseurs acquis à l’écologie prônent tantôt une relance par l’écolo-keynésianisme, dont le terme renvoie à la fois à leur corps de doctrine et aux solutions proposées par l’économiste éponyme afin de favoriser la relance par une substitution de l’état au marché, tantôt à la communautarisation des biens de production, soit dans les deux cas une intrusion abusive de l’Etat et une culpabilisation des acteurs économiques. Différentes études, certes discutables, indiquent que chaque emploi vert en coûterait entre deux et quatre dans l’économie classique. 

Par ailleurs, leschevaliers verts de l’environnement sont à la pointe du progressisme qui déstructure les fondements intemporels de la société. Ils prônent ainsi la légalisation des drogues douces (parfois mêmes des drogues dures), l’ouverture des frontières et son corollaire le multiculturalisme, le mariage et l’adoption par les couples homosexuels…  Pour traduire leur utopie en image, ils rêvent d’un monde bigarréau cœur duquel chacun fume un joint en tapotant sur un djembé à l’abri d’une éolienne à l’arrêt, un monde transformé en partouze métissée, un monde où le travail ne serait plus une obligation. 

Principal parti belge occupant le créneau, Ecolo n’a ainsi pas manqué d’aligner les clichés. La formation qui entendait à sa portée sur les fonts baptismaux réenchanter le monde en n’étant ni de droite, ni de gauche, soit au-delà des clivages, place désormais son action radicalement à gauche –foi de Zakia Khattabi, actuelle co-présidente du parti et ancienne cheville ouvrière du centre pour l’égalité des chances-. Elle concurrence ainsi le PTB sur le terrain de la lutte des classes et l’ensemble du spectre politique sur les thèmes éthiques et sociétaux.

Au cours de son cheminement dans le champ des idées, l’écologie fut également arrimée à la droite. Les premières intrusions dans le débat furent l’œuvre de courants et partis chrétiens peu acquis aux évolutions modernistes et matérialistes. La Nouvelle Droite, qui reproche au christianisme d’avoir rompu avec la nature, mit également l’écologie au centre de son néo-paganisme. Des tentatives de récupération eurent également lieu à l’extrême droite de l’échiquier politique. En 1927, Henri Dorgères créa les Chemises vertes, que l’on ne peut manquer d’associer aux chemises brunes et noires. Un des premiers partis écologistes belges (Ecolos) fut d’ailleurs marqué du sceau de la xénophobie. 

Surtout, les partis agrariens, intéressant pour l’analyse qui nous concerne, ont récolté ici et là quelques succès politique. Ceux-ci ont essentiellement partagé des traits communs avec la droite en matière de défense du patrimoine et avec la gauche quand il s’est agi de brider les aspects du marché. Dans sa taxinomie politique, Daniel-Louis Seiler, les place dans une position charnière qui fut celle de la démocratie chrétienne dans les pays du Benelux. L’analyse actuelle de l’échiquier politique confirme une disparition progressive des formations démocrates-chrétiennes dont l’entame du de profundis laisse la porte ouverte à une force politique combinant respect de l’environnement et des traditions. En Belgique francophone, l’effondrement spectaculaire du CDH ouvre des portes.

L’écologie ne peut se contenter d’une réflexion sur les charmes bucoliques de la campagne et ne peut donc se permettre de faire l’impasse sur une vaste réflexion autour de l’espace urbain. Au sein de la droite, il existe une prédisposition mentale favorable à la ville perçue sous son prisme économique, à la voiture qui, par on ne sait quel sophisme, serait synonyme de liberté, et à l’abandon de toute politique écologique au cœur des villes –comme si celles-ci devaient par définition être polluées. La congestion des métropoles du monde entier doit nous amener à repenser le débat. Ainsi, la piétonnisation, tant décriée, notamment par Elisabeth Levy dans un des derniers numéros de Causeur, ne doit être systématiquement rejetée - même si le piétonnier bruxellois tient davantage du pandemonium que de l’espace où il fait bon se balader.

A la campagne et à la ville, c’est en revenant à l’écologie dans le sens étymologique du terme (oikossignifiant maison et logiadiscours), qui lui-même renvoie intrinsèquement aux valeurs de droite, qu’elle renaîtra de ses cendres. La défense de l’environnement à travers les circuits courts profondément anti-mondialistes, la restauration de valeurs ancestrales et respectueuses de la terre, l’éducation au respect de la nature ne peuvent être portés que par des phalanges politiques conservatrices. 

La solution, pour redresser l’économie, restaurer les valeurs ancestrales, préserver l’environnement et retrouver la pleine maîtrise de notre destin passera donc par des mesures telles que l’instauration d’un protectionnisme intelligent et donc le renforcement des frontières, le soutien aux fermiers et paysans – termes autrement plus nobles que celui d’agriculteur-, l’instauration de systèmes d’éco-bonus et d’éco-malus –notamment selon le nombre de kilomètres parcourus par un produit avant d’arriver entre les mains ou dans l’assiette du consommateur- ou la lutte contre l’obsolescence programmée.  

La beauté de l’homme et de la femme, nous dit-on, n’est pas physique, mais intérieure. La beauté de la planète obéit à cette même loi. Elle ne se trouve pas dans l’exposition mondialisée des produits du capitalisme, mais au cœur des territoires. Des territoires territorialisés, expression qui renvoie au monde mondialisé vanté par les internationalistes. En d’autres termes, pour être écologiste, il faut aujourd’hui être écolocaliste, c’est-à-dire ramener l’écologie dans son giron naturel de droite et non nourrir vis-à-vis d’elle un rejet pavlovien.

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