Au fil de mes pérégrinations sur
les terres bruxelloises, wallonnes et européennes –je ne m’aventure jamais
vraiment au-delà de ce monde connu-, il m’arrive souvent de penser que la lutte
au nom d’une certaine idée de la civilisation et de l’homme, que je mène avec
d’autres, est perdue.
On pourra citer, parmi les causes
de la défaite programmée, des raisons aussi diverses que l’évolution démographique
–comprenez le remplacement de population-, l’intérêt égoïste des élites ou
encore le fatalisme, mais la réalité est plus cruelle : la déréliction
actuelle découle de la morale de vaincu instillée dans toutes les strates de la
société.
La défense de l’identité basée
sur l’héritage des siècles n’est en effet plus menée, à la hussarde et pour le
panache, que par quelques irréductibles, forcément trop peu nombreux, qui ne
transigeront jamais sur l’essentiel. Les autres, que je prends pour des lâches,
des soumis et/ou des traîtres, ont renoncé, se sont tapis dans l’apathie ou ont
entrepris de collaborer avec les forces ennemies.
Le philosophe suisse Denis de
Rougemont écrivait que « la décadence d’une société commence quand l’homme
se demande ce qui va lui arriver au lieu de se demander ce qu’il peut
faire ». Notre civilisation déclinante est arrivée au stade de la
renonciation au combat et de l’attente du salut non plus tant de la providence,
à laquelle les hommes ne croient plus, que du hasard ou, ce qui est pareil, des
autres, dont le monde politique, sans savoir que la faiblesse et l’indigence de
la plupart des élus actuels ne sont que des miroirs de la déliquescence
générale.
S’il était besoin de se
convaincre de l’état actuel de décadence, il devrait suffire de comparer les
soldats des tranchées prêts à mourir les armes à la main avec les combattants
virtuels tuant des ennemis imaginaires sur un écran –nous sommes passés des courageux
poilus aux broussailleux hipsters-, ou de mettre en parallèle les intellectuels
d’antan avec les épaves ayant pour seul horizon philosophique la mousse
flottant au sommet de leur bière ou le joint carré entre leurs lèvres, ou de comparer
les pamphlétaires de jadis avec les névrosés dégueulant sans style leurs états
d’âmes sur Facebook.
L’homme, et l’homme seul
–considéré ici dans le sens d’être humain, sans considération de genre-, initiera
le changement. L’époque exige de lui qu’il soit digne et droit, suffisamment instruit
que pour porter en bandoulière sa culture, n’ayant d’autre objectif que de se
battre pour ses convictions en utilisant sa liberté d’expression et d’action,
prêt à honorer la mémoire de ses ancêtres et à assurer la continuité de
l’histoire, surtout prendre à pleines mains son destin.
Conséquemment, il devra faire fi
des grandes utopies telles que l’égalité, le
pacifisme entre les nations et les civilisations, les hommes qui sont des
femmes et les femmes des hommes selon la théorie du genre (vive le virilisme et
la féminité), les individus hors sol, le multiculturalisme heureux,
l’Etat-providence et son corollaire, la sécurité sociale. Une telle vision
idéalisée n’existe que dans le logiciel éculé des bien-pensants qui ont mené
nos pays à la ruine, notre civilisation à l’abattoir et les hommes au néant.
A l’heure où les
« coachs de vie » sont à la mode, souvent pour le pire car agissant
pour assouvir le narcissisme désuet de leurs clients infatués, le conseil le
plus judicieux que l’on puisse aujourd’hui prodiguer est de développer, de
façon indissociable, un esprit sain dans un corps sain (le mens sana in corpore sano popularisé par Juvénal). Un esprit sain
se travaille, entre autres, par la lecture, la réflexion, la mémorisation. Un
corps sain se façonne par l’hygiène de vie, une alimentation de qualité et l’exercice
physique répété.
Le seul mensonge qui existe est
celui que l’on se fait à soi-même. La remarque vaut à titre privé et
civilisationnel. Le stade de décadence auquel nous sommes arrivés est
uniquement dû à notre « volonté d’impuissance » (pour paraphraser
Nietzsche), notre incapacité à mettre notre corps et notre esprit en adéquation
avec les enjeux qui se présentent à nous et notre faiblesse qui amène non
seulement à ne plus assumer ce que nous sommes mais aussi à enlacer l’ennemi
comme si, par miracle, nous allions nous régénérer à son contact.
Notre civilisation eut ceci de
particulier qu’elle a engendré des œuvres et des idées « ultimes »,
dans le sens où on a pu les croire « indépassables » par leur beauté
ou leur puissance, et qui furent pourtant chaque fois dépassées, offrant des
livres -à opposer au livre unique-, des symphonies, des tableaux ou des lieux
sacrés tapissant un imaginaire supérieur. Il ne restera, par notre faute, que cendres,
bruits et ruines. Sortir du chaos nécessitera de rompre avec la morale de
vaincu actuellement triomphante et de renouer avec la tradition des hommes
forts, des hommes productifs, des hommes capables de génie !
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