vendredi 4 août 2017

De droite


Les analystes de la chose politique et les politiciens eux-mêmes commettent souvent l’une des deux erreurs suivantes : penser et agir, d’une part, comme si les clivages traditionnels avaient été balayés ; affirmer, de l’autre, qu’ils subsistent tels qu’appréhendés depuis plusieurs décennies. 

De la même manière que la révolution nationale entre le XVIe et le XIXe siècle avait enfanté des intérêts divergents entre l’Eglise et l’Etat d’une part et entre le centre et la périphérie de l’autre, tout comme la révolution industrielle avait divisé la société entre les possédants et les travailleurs ainsi qu’entre l’industrie et l’agriculture, la révolution mondiale à l’œuvre clive désormais la société entre gagnants et perdants de la mondialisation. L’évidence est telle qu’elle pourrait signifier la fin des notions de gauche et de droite ou une refonte de leurs acceptions.

Ce serait oublier qu’il subsiste une façon presque intemporelle d’être de droite ou de gauche qui renvoient à des références culturelles, des filiations historiques et une manière de vivre qui forgent les caractères. L’homme de droite respecte la verticalité et hiérarchise ; celui de gauche préfère l’horizontalité et égalise ; le premier s’appuie sur le passé pour construire l’avenir ; le second le balaie au nom du progressisme ; le droitiste chérit la liberté d’entreprendre ; le second préfère la planification ; le premier aime sa culture qu’il estime supérieure, le second entend la fondre dans un creuset multiculturel ; le premier aime l’ordre, le second choie le chaos. Tout homme qui se prétend d’une catégorie sans obéir à ses marqueurs culturels appartient, parfois sans en être conscient, au camp d’en face.

La partie francophone d’une Belgique de plus en plus morcelée a ceci de particulier qu’elle a pratiquement vu disparaître toute force politique de droite. Le dernier sondage en date place le Parti du Travail de Belgique (communiste) à près d’un quart de l’électorat, le Mouvement réformateur à 23,2 %, le Parti socialiste à 16 % -soit deux fois moins que son score électoral de 2014-, Ecolo et le Centre démocrate humaniste aux alentours de 10 %.

Le MR, placé par commodité à droite de l’échiquier politique, a depuis longtemps abandonné toute référence, culturelle et programmatique, à son positionnement putatif et tente de trouver une place au centre de l’échiquier politique – seuls quelques mousquetaires tentent de résister. Le parti se félicite de l’immigration comme chance pour la société et tait les menaces qu’elle fait planer, revendique son libéralisme social et vote les réformes sociétales sans grand débat en son sein.

Lorsqu’il s’est agi de former des gouvernements, le parti, désormais  emmené par Olivier Chastel après les querelles entre les clans Reynders et Michel, n’a jamais vraiment désavoué le Parti socialiste, sauf lorsqu’il fut trahi par celui-ci en 2014. « Ce qu’on ne peut éviter, il faut l’étreindre », écrivait Shakespeare dans Les joyeuses commères de Windsor. A défaut de pouvoir éviter le PS, le MR l’a pendant longtemps courtisé.

Détail qui en dit long sur le reniement des réformateurs, la plupart de ses élus ont embrassé la cause Macron, dès le premier tour, lors des dernières élections présidentielles françaises. Tous ont défendu la cause d'Hillary Clinton face à Donald Trump et il s’est trouvé un de ses anciens présidents pour pousser le vice jusqu’à soutenir… Bernie Sanders lors de la primaire démocrate.

En réalité, le parti libéral renoue, lentement mais de plus en plus sûrement, avec sa position originelle sur l’échiquier partisan belge où il figurait à gauche de l’hémicycle face à la droite catholique qui n’existe plus. Et pour cause : les lointains héritiers du parti catholique, bien qu’officiellement du centre, occupent clairement une position à gauche sur l’échiquier politique –ce n’est pas le timide recentrage opéré sous l’actuelle présidence qui changera le constat.

Les formations (réellement) à droite sont désormais descendues en-dessous des 5 % des intentions de vote. Le Parti populaire, la seule d’entre elles à posséder quelques élus à différents niveaux de pouvoir, semble avoir définitivement abandonné le discours libéral-conservateur de ses débuts pour un populisme qu’il revendique officiellement. Seulement, dans une région de gauche comme la Wallonie, où tout se colore de rouge plus ou moins foncé (administration, médias, mouvements sociaux…), seul un populisme de gauche pouvait émerger durablement –l’état de la Wallonie, quoi que déplorable, n’est pas encore suffisamment que pour voir co-exister deux populismes. Ses dirigeants pourraient se mordre les doigts d’avoir renoncé à remplacer le MR.

Par-delà le problème démocratique que pose la toute-puissance de la gauche en Wallonie, une question se pose : comment être de droite en Belgique francophone ?


 Etre de droite, c’est tout d’abord rompre avec les dogmes imposés à coups de diktats par la gauche : Etat-providence, antiracisme compulsif, égalitarisme et donc nivellement par le bas. Etre de droite, c’est ensuite et surtout ne plus être honteux de l’être, mais au contraire le revendiquer sans sombrer dans des formes extrêmes. Etre de droite, c’est afficher clairement sa fierté d’être né quelque part. Etre de droite, c’est endosser l’histoire passée et récente. Etre de droite, c’est défendre patrie et civilisation. Etre de droite, c’est préférer le bon goût à la laideur contemporaine. Etre droite, c’est assumer l’élitisme populaire plutôt que le populisme. Etre droite, c’est aller au devant de son destin et renoncer à la morale de vaincus.

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