mercredi 9 novembre 2016

Morts un 9 novembre, le général de Gaulle et Yves Montand

Vous ne savez jamais avec précision quand la grande faucheuse viendra frapper votre nuque de son couperet glacial.

A propos de ce jour dont j'ignore la date mais que j'espère lointain, je nourris l’espoir, sans doute aussi vain que celui de gagner à la loterie, qu'il survienne un 9 novembre.

Le tapis de feuilles jaunies qui recouvrent alors les cimetières y est encore parsemé des chrysanthèmes déposés sur les tombes quelques jours auparavant, en plein cœur d'un automne qui file, tambour battant, vers l'hiver. La vie, comme la lumière, recule inexorablement vers les tréfonds de la mort, se vide de son éclat, décline.

Le 9 novembre a vu arraché au monde des vivants l’indéracinable général de Gaulle, ce vieux chêne comme l’appelait Malraux, et l’inimitable Yves Montand, qui faisait virevolter les feuilles mortes dans une douce mélodie. Tous deux trônent dans mon panthéon personnel. Ils gisent dans ma crypte secrète. Me recueillir sur leur tombe respective, à Colombey-les-deux-Eglises et au Père Lachaise, m’a toujours empli d’émotion.

Le premier, par son action, son courage, sa prestance, inspire chaque jour mon combat politique contre les renoncements, les lâchetés et les bassesses, pour la grandeur, l’exigence et l’ambition. Le second est mon acteur préféré, magnifique dans des registres variés, de L’aveu à Manon des sources, et un chanteur hors pair, émouvant quand il chemine à Bicyclette avec Fernand, Firmin, Francis et Sébastien, et puis Paulette, ou fredonne ses Trois petites notes de musique.

Le premier était un patriote, guidé par « une certaine idée de la France » qu’il ne pouvait souffrir de voir s’envoler, telle une feuille morte, dans les vents contraires de la mondialisation. Le second avait gravée, dans l’écorce, une foi communiste née dans des origines populaires et s’il s’est distancié des horreurs de l’idéologie qui l’a biberonné, il n’a jamais renié son extraction prolétaire.

Le premier est mort il y a 46 ans. Le second, 25.

Avec eux a trépassé ce qui fit la grandeur de leur art, politique pour le premier, cinématographique et musical pour le second. Ne restent que des « politichiens » sans culture ni rhétorique, des acteurs égarés peinant à déclamer leurs dialogues d’une désespérante indigence et des chansonniers faisant rimer « tu es formidable » avec « je suis fort minable ».

« Oh! l’automne, l’automne a fait mourir l’été. Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises », écrivait Guillaume Apollinaire, le génial poète, auteur des Calligrammes et d’Alcools, lui qui fit couler l’amour comme la Seine sous un pont parisien, avant de tomber pour la France, en 1918, deux jours avant l’armistice. Un 9 novembre.

Résiste, le vieux chêne.
Volent les feuilles mortes.
Coule l’amour sur la Seine.

Demeurent les idées fortes.

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